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rp:csame20121211

Colères

La neige munichoise, pourtant sale et saturée de pollution et de particules toxiques, paraissait presque blanche dans sa chute inexorable vers le sol. Et c’était tout ce qu’il voyait depuis la petite fenêtre de la pièce misérable qui l’accueillait, lui et sa douleur.

« Putain de pompe de merde », pensait-il. Ce dont il se souvenait de la scène chez Fredrik – son fixer habituel – se limitait aux quelques premières minutes. Après, il avait activé ce putain de truc à adrénaline et là, la rage l’avait emporté. Emporté par le cocktail chimique qui pulsait dans ses veines, c’était un véritable berserk qui avait cru bon de courir menacé par une grenade incendiaire plutôt que de se rendre, comme l’aurait fait quiconque dans sa situation. Il se souvenait encore de la chaleur des flammes et de la force inexorable qui l’avait plaqué au sol sur le gravier maculé de neige poisseuse. Allant de Charybde en Scylla, il s’était retrouvé sous le gun impérieux d’un de ces connards d’elfe. Et là, black out.

Il avait ensuite rêvé de son paternel. Ce connard – un autre, tiens – qui avait eu pour seul mérite d’engrosser sa mère, et probablement de lui briser le cœur, un organe dont trop de gens dénient aux trolls l’existence, ou le droit. Et dans son rêve, il était une présence rassurante, il le berçait. Ça n’avait pas de sens, putain, pas de sens.

Mais le rêve s’était mué en cauchemar lors de son réveil. La facture de Lisa, déjà, longue comme le bras. 10 000 putains de nuyens. Un bras. Au sens propre. Lisa avait beau être son docteur attitrée depuis pas mal de temps, ça pique, 10 000 nuyens. Et sans parler de son nouveau katana qui gisait probablement dans les cendres carbonisées de la cahute de Fredrik.

Et ces putains d’elfes qui avaient failli avoir sa peau – qui l’avaient d’ailleurs eue au sens propre – ils ne savaient pas qui ils étaient, ni pourquoi ils leur étaient tombé dessus chez Fredrik. À ce qu’il avait cru comprendre des quelques contacts qu’il avait eu avec le reste de son équipe de bras cassés, c’était lié à une sombre histoire de ces cochons du Tir Na Nog et d’Eidolon. Cette pétasse avait de la chance de lui avoir sauvé la mise une ou deux fois, sans quoi elle aurait compris ce qu’est la colère d’un troll, mais bien profond. Si elle se ramenait le bouche en cœur en lui disant de faire garde du corps pour la protéger de ces elfes, il l’enverrait se faire foutre, fissa. Quittes, ils l’étaient largement, ces elfes dont il n’avait que foutre avaient buté Fredrik et lui avaient coûté une bonne partie de l’épiderme et la moitié de ses maigres économies, thésaurisées péniblement à coup de meurtres, de vols et d’autres délits majeurs.

Il en avait tué pour moins que ça. Ce pauvre troll, par exemple. Son nom lui échappait déjà. Mais si, le mec qui l’avait plombé au shotgun dans la camionnette… Ah, si : Leïk Martin. Certes, il l’avait bien plombé, le mec, mais bon, ce n’était pas personnel. C’était juste un coureur des ombres, tout comme eux, un poivrot parmi d’autres – Maman – embarqué dans les déboires de ce monde à l’agonie.

Putain. Putain. Putain. Il n’avait même pas eu le courage de le tuer lui-même. Il avait laissé ce niakoué le faire à sa place. Putains de niaks. Il n’y pigeait plus rien.

Cette nanoforge, il ne savait même pas réellement à quoi elle servait. Tout ce qu’il savait – tout ce qu’il avait besoin de savoir, c’est qu’elle valait un immense paquet de pognon. Suffisamment pour mettre sa mère définitivement à l’abri du besoin – et lui-même par la même occasion avec les quelques améliorations qui vont bien. Mais évidemment, il fallait trouver un acheteur, et c’était pas forcément super facile. Et alors, alors qu’ils étaient en train de s’occuper de cette starlette qui avait été suffisamment conne pour ingérer volontairement un ver vorace histoire de maigrir, on les avait appelés. Et là, la shitstorm totale : des niaks partout. Des niaks qui tiraient sur des niaks, et qui tentaient de piquer la nanoforge. Sa nanoforge. Alors, il avait perdu le compte du nombre de mecs qu’il avait aligné. Une bonne dizaine, sans doute. Il se souvenait juste de la gueule presque surprise du mec qu’il avait planté, comme une mouche, sur le mur d’un immeuble, happé par une flèche qui l’avait traversé de part en part.

Puis il y avait eu la poursuite dans Munich où ils avaient bien foutu la merde dans le quartier chinois. Mais ces connards avaient réussi à s’enfuir. Et Eidolon, la même qui venait indirectement de l’envoyer à l’hosto et de lui coûter 10 000 nuyens, lui avait sauvé la vie, encore. Cette habitude devenait très agaçante, mais au moins maintenant, ils étaient quittes.

Après une période de convalescence où il avait à nouveau dû débourser pas mal de thunes, ils s’étaient mis en chasse de ce Leïk. Et ils avaient fini par le trouver, ils lui avaient tendu un piège. Ils l’avaient interrogé, mais il ne savait pas grand-chose, ce con. Juste un péquenot servile comme un autre. Il avait rempli une mission et c’est tout. Alors Oggodt avait laissé l’autre mec le buter, et maintenant, il le regrettait un peu car il avait comme l’impression qu’ils auraient pu en tirer davantage de ce Leïk.

Là s’évanouissait la piste de la nanoforge. Une camionnette. C’était tout. Un logo pourri. Des niaks – encore des niaks. Pas un seul nom. Et là, alors qu’ils étaient dans la merde jusqu’au coup et qu’Oggodt pensait ne jamais pouvoir tomber plus bas, ces cochons d’elfes étaient venus descendre Eidolon.

Oggodt soupira douloureusement : « putains de niaks », dit-il à haute voix, en détachant bien chaque mot dans une diction parfaite. Il paya la facture de Lisa. Elle était chiante, mais elle connaissait son métier et était à ce titre une précieuse alliée. Oggodt voulait éviter à tous prix de se la mettre à dos. En un instant, la facture fut payée. Il médita un court instant sur la brièveté de l’instant que le transfert avait duré en comparaison du dur labeur qu’il avait dû mettre en œuvre pour rassembler ces fonds.

« On a réussi, en même temps que les opérations internes, à réparer les lésions nerveuses à la surface de votre peau. Celle-ci ne vous rendra peut être plus si imperméable à la douleur qu'avant – et ce n'est pas plus mal si vous pouvez ne pas faire sauter vos coutures à chaque cicatrisation –, mais vous regagnez le contrôle sympathique des pigments produits. »

« Yay. », pensa-t-il.

« Scheiße! », gueula-t-il, même s’il n’y avait pour l’entendre que le doux vrombissement du climatiseur.

rp/csame20121211.txt · Dernière modification : 2014/08/08 16:20 de Csame