Encore une chose...

Il se laissa aller profondément dans son fauteuil, comme pour s'incorporer au cuir brun et épais. Il tendit la main vers la droite, comme par réflexe et commença à tremper ses lèvres dans le verre de vieux Whiskey qui y était apparu, comme par prestigiditation. Il préférait définitivement les gens aux drones, ils étaient de plus agréable companie et comprenaient ce que vous vouliez sans ordre matriciel. De plus, les drones pouvaient être hackés ou utilisés pour espionner. Pas les humains sous personnafix. Toutefois… Il fit passer son verre d'une main à l'autre, comme une petite balle. Ou une arme. Il fit un geste, et quelque chose dans son mouvement, dans l'inclinaison de sa main, fit comprendre à la jeune femme discréte et silencieuse qu'il souhaitait qu'elle se retire. Il se redressa dans son fauteuil et posa son verre sur le lourd sous main, représentant une vue artistique, toute en ombre et en angles, de l'arcologie, imprimée dans le cuir. Il contempla un moment ses mains couvertes d'innombrables petites traces de coupures, et son poignet, là où se serait trouvé sans doute son tatouage, sa marque, si il appartenait vraiment à la mégacorporation.
Il y avait beaucoup à faire, mais comme toujours, il appréciait de prendre son temps, comme un vieil homme jouant aux échecs. C'était dans sa philosophie, il fallait offrir à toute chose le temps qu'elle nécessitait. Sauf le combat. Se battre, se défendre, et tuer devait prendre le moins de temps possible et être terminé avant qu'on ait pu y refléchir. Il finit tout de même par se lever, il avait du travail. Il ne jetta qu'un vague coup d'oeil au paysage silencieux et à la nuit, déja bien avancée.

Il contempla l'écran noir du poste tridéo, songeant aux activités nocturnes qui allait animer cette ruche bourdonnante de manière incessante, sans qu'il en ait conscience. Il se sentait incroyablement las, ce soir, et cela n'était pas du aux événements. Il sourit intérieurement. Ce vieux hibou de Yu l'avait bien prévenu, l'une de trops rares fois où ils s'étaient rencontrés dans leurs nouvelles vies à tous les deux. Il n'avait alors pas compris ce qu'il voulait dire. Il commença dés lors, tout naturellement, à repenser au passé. Ses yeux plogérent dans le fond de son verre maintenant vide où les derniéres traces de whiskey prenaient une couleur ocre flamboyante, sous la lumière chaleureuse de la lampe de bureau. Un rouge-orange de feu qui semblait- Merde.
Il retira avec précaution les éclats de verre de sa paume, appliqua un petit mouchoir pour éponger le sang qui perlait. Foutus refléxes cablés. Agir plus vite qu'il ne pensait ne devrait pas être aussi simple. Il commençait à regretter l'époque où il suffisait de-
Mauvaise idéee.
Sentant l'habituelle spirale qui commençait à le happer, son coeur peu à peu s'emballa. Il fut transporté d'une infinie gratitude lorseque l'écran s'alluma, le tirant de ses songes amers. Un simple logo, en relief, s'afficha, avec, en surimpression, un cadre rectangulaire délimitant la boîte de dialogue. Il répondait à voix hautes aux lignes qui s'affichaient les unes aprés les autres, certain d'être seul dans ce bureau éclairé par une unique lampe.
“Oui Monsieur. Non, en effet. C'est en cours, Monsieur. Ils y sont allés. Souhaitez vous que je les fasse rappeller ? Très bien. On s'en occupera, Monsieur. Le plus vite possible. Ils sont efficaces. Merci, Monsieur. Merci. Bonne soirée.”
Il poussa un long soupir devant l'écran redevenu noir. Il se dirigea vers le canapé profond qui était accolé à l'un de ses murs et s'y étendit, sans rien dire. Aprés tout, il n'y avait plus rien à faire. Il commença à lutter pour le sommeil. Il devra se réveiller plusieurs fois, le coeur battant la chamade, son HK Urban dans la main, essayant de reprendre sa respiration, sans savoir exactement ce qui l'avait réveillé, et sans vouloir le savoir.

Le jour commençait à poindre par la fenêtre. Il finissait de faire descendre ses quelques cachets avec une gorgée de brandy. Se sentant reposé et prés à affronter les événements. Il entendit frapper à la porte, s'installa dans son fauteuil, et demanda à son équipe d'entrer. Il ne pu encore une fois reprimer un sourire en les voyants rentrer dans son bureau, tous jeunes et indépendants. Il salua la jeune femme qui avait, semble-t-il, plus par accord tacite et par défaut pris en main leur petit groupe, de la tête. Son regard accrocha les lettres peintes sur le verre fumée de la porte de son bureau. Dieu, même ses subordonnés devaient l'appeller comme ça. Son sourire s'élargit. Il ne prétait, comme à son habitude pas attention aux salutations des personnes rentrant dans son bureau. Cependant, il eu du mal à dissimuler sa profonde stupéfaction, quand il s'entendit répondre à l'ork, presque sans y penser :
“-Je vous en prie, appellez-moi Jibril.”