Elle rentra en trombe dans l'immense loft, jeta son sac sur une banquette de Jackrabbit défoncée qui lui servait de fauteuil. Son commlink et son kit micro/écouteur dessinérent une élégante parabole avant de tomber sur le lit dont la couette était déja recouverte de balles, de chargeurs et de silencieux. Pas envie de le brancher, la flemme, puis il reste la moitié de la batterie, donc ça va. Elle caressa un moment l'idée de s'effondrer dans le fauteuil en meilleur état du loft, mais ce serait faire mal les choses. Elle déposa donc son katana avec déférence sur son socle et adressa une courte prière à ses ancétres. Elle n'était pas particuliérement religieuse, elle n'allait jamais au temple, mais son mentor avait su lui inculquer le respect des ancétres et de la mort que la voie du samuraï recquiert. Profitant de ne pas encore être totalement comateuse, à moitié sous l'effet de l'adrénaline, à moitié parceque ses reflexes cablés étaient encore actif (il lui était déja arrivé de se faire attaquer sur le chemin, et qu'aurait dit son mentor, de toute manière, si elle n'était pas préte en permanence ?), elle frappa de sa paume ganté la machine à soykafé. Seul moyen de la faire marcher, ce vieux trucs date d'avant le Crash. Peut être qu'elle pourrait lui demander de jeter un oeil ? Elle eu un petit rire, avant de se reprendre. La Voie est exigeante, être le sabre de son maître d'abord, sa vie personnelle passe ensuite. Une fois le gobelet rempli, elle se laissa enfin aller, déposa son holster sur le dos du fauteuil bas, désactiva ses reflexes cablés et s'effondra, tel un pantin aux fils coupés dans le profond coussin du fauteuil. Elle trempa ses lèvres dans l'amer breuvage, puis pensa enfin à calmer sa respiration.
Son regard parcouru son loft, sans dessus dessous depuis quelques jours. Certes il était vaste et il y avait de la place partout, des meubles de récup' ça et là, mais ça restait quand même un bordel massif. Sauf dans la zone où se trouvait le socle de son sabre, l'autel dédié à ses ancétres et le petit jardin zen en sable, qui était toujours d'une propreté et d'une sobriété impécable. Elle hésita à désactiver ses implants occulaires, afin de se reposer le plus paisiblement, mais ce serait un caprice, et une faiblesse. Le désordre ne la génait pas tant que ça en fait. Et puis, les lumières de la conurb', depuis son squatt à l'avant dernier, très excentré étaient splendides. Certains haïssait aux plus profond d'eux mêmes les hologrammes géants marqués du logos des Mégacorporation, mais elle était sereine. Elle savait que celles-ci n'importaient que peu. De toute façon, seule le sabre et le combat importaient, le reste était dispensable. Bon, peut être pas tout… elle avait des progrés à faire avant d'intégrer parfaitement les principes du Hagakure, mais elle aimait bien ses petites faiblesses. Certaines en particulier. Elle se mordilla la lèvre et tapota nerveusement sur une de ses jambes cybernétique. Combien de temps qu'elles la portaient ? Certes ce n'étaient pas les mêmes que durant son adolescence, celles-ci étaient le dernier cri de Shiawase, toute en fibre de carbone, silencieuse, et pouvant encaisser une pression terrible. Elle les aimait particulièrement, elles lui rappellaient ses efforts incessants pour toujours rester au sommet de son art, ce qui la prémunissait de la chute. Mais elle était nerveuse. Il y avait de quoi. Déja, le loft, il était impregné d'une émotion martiale, c'était son petit bunker à elle, sa forteresse. Elle aurait pu retourner dans son appart' coquet du centre ville, mais non seulement la vue de la ville de nuit, lorsequ'elle rentrait du travail étaient superbe d'ici, et surtout, avoir accés rapide à tout son matos était une bonne idée en ce moment.
Elle fit quelque mouvements d'étirements, triceps, deltoïde, presque sans y penser. Elle n'avait pas encore retiré son kimono renforcé. Celui-ci lui avait encore sauvé la vie, elle s'en tirerait juste avec quelques bleus. Elle enleva tout de même le haut de sa protection, elle se sentait plus à l'aise en debardeur. Le travail était de plus en plus dur ces temps-ci, comme en témoignaient les échymoses sur ses biceps finement taillés par le maniement du sabre. Elle aurait bien besoin d'une douche, mais le techos du coin ne pouvait piquer de l'eau sur la conduite principale qu'à partir de minuit, quand les systèmes de régulation faisaient la transition des quotas. Elle soupira.
Ouais, ça faisait longtemps qu'elle avait pas eu à lutter comme ça. Elle sourit. Ça lui manquait. Elle fixa le sac qu'elle avait jeté sur son “fauteuil” en arrivant. Une récupération compliqué, les Triades se débattaient avec l'énergie du désespoir. Elle n'était plus aussi sur qu'au début des affrontements que ce soit une bonne chose. Certes, le Mi-Seng avait maintenant la mainmise totale sur le quartier asiatique, ce n'était qu'une question de temps avant que les chinois ne dégagent définitivement de la conurb'. Elle eu un petit rire en se rappelant l'entrvue de Yu-dono et de donna Carmilla, la femme était presque aussi fière et tétue qu'elle-même, mais au fond d'elle, elle le savait, elle appréciait le vieux yakuza au corps frèle. Malheureusement, c'était cette union pour détruire les Triades qui avaient provoqué le début des troubles. Les Turcs avaient profités de la distraction de la Camorra pour débarquer sa cam, ils avaient eu des pertes minimes, tout le monde étant débordé de boulot. Où est ce qu'ils avaient trouvé autant de pognon, pour graisser la patte de toutes les autorités portuaires, s'allier aux bikers en les armants, et mettre quelques gangs autrefois sous protection de la Camorra dans leur poche ? Avec ce qui s'était passé la veille, elle commençait à avoir un début de raison.
En tout cas, les Loups Gris avaient bien eu tout le monde. Ils avaient parfaitement prévus leurs coups, en guettant l'occasion. Elle soupira. Son mentor vieillissait. Autrefois, il aurait vu venir le coup et aurait prévu une défense parfaite en évitant de froisser qui que ce soit. Autrefois, il aurait compris que les gangs, le petit dealeurs et les junkies qui étaient approvisionnés par les Triades n'arréteraient pas leurs buisness. Et ni les Yakuza ni la Mafia ne leur fournira leur dope. Elle se redressa, et en profita pour aller chercher le sac de matériels electronnique dernier cri qu'elle avait récupéré. Bien sur que les Yakuzas ne traineraient jamais dans la drogue. Elle jeta un oeil au contenu du sac, avant de le mettre au coffre, hésitant à prélever un petit cadeau, pour son voyageur. En tout cas, maintenant c'était trop tard. Les Loups Gris s'étaient implantés, et apparement, le N'dranghetta les protégeaient. Elle cracha par la fenêtre entr'ouverte d'où rentrait un vent glacé et purificateur. Des barbares, leur sauvagerie était connu dans toute l'Europe. Si c'était pour éviter de se retrouver avec un syndicat de Barteks en puissance dans sa conurb, elle offrirait volontier sa lame et sa vie à Donna Carmilla. Evidement, Donna Carmilla pourrait regler ça facilement en faisant appel à l'Alta Comission, qui obligerait la Camorra et le N'Dranghetta a travailler main dans la main, mais elle était trop fière pour ça. Elle ferma les yeux sereine, avant de s'installer sur son établi et de nettoyer soigneusement son arme. Un samuraï ne doit être attaché qu'à son sabre, mais parfois elle regrettait son fusil d'assaut. Elle se demanda un instant ce qu'il avait bien pu en faire, puis se sermona pour cette faiblesse. Son clan était en proie aux attaques, elle était heureuse, elle combattait pour son mentor et pour des gens qu'elle respectait, guettait les chacals venu de l'est, les russes prets à fondre sur une Mafi affaibli, elle faisait ce pour quoi elle vivait, elle vivait pleinement. Elle sourit encore, heureuse.
bip
Ah, c'était l'heure. Elle reprit la conversation exactement là où elle s'était arrétée la veille : “Et Oggodt, il encaisse ? Bien sur que je touche à trente mètres au Pred',Saru-chan”