Pardons
Oggodt, d’un revers de main négligeant, essuya le filet de sang qui coulait encore légèrement de son arcade sourcilière.
Son passage dans l’espèce de machin Valkirie de la limo de Splenters avait réparé la plupart des ses blessures : il se sentait beaucoup mieux.
Il avait toujours gardé par devers lui une certaine méfiance vis-à-vis de Splenters, mais là, il fallait bien l’avouer, il lui devait une fière chandelle. Autant Sven, par sa bonhommie et son je-m’en-foutisme assumé, attirait naturellement la sympathie du Troll, autant le côté sérieux de Splenters et son attrait pour le virtuel le dépassait. Il faut dire : à chaque fois – ou presque – que cela tournait au vinaigre, il voyait Splenters trifouiller dans la matrice pendant que lui-même était en train de se faire transpercer par de petits bouts de métal brûlant.
Alors, oui, il l’admettait, voir le chargeur de son ennemi sauter de son flingue était toujours amusant, mais bon, après, sur qui comptait-on pour trancher dans le lard ?
Quant au nouveau, En’dol ou quelque soit son nom, il ne lui disait rien qui vaille. Le fait que ses compagnons semblent l’accueillir à bras ouverts dans leur groupe à la cohésion déjà parfois vacillante l’étonnait. Oggodt admettait volontiers qu’il était parfois un peu parano, mais l’expérience de la ville de Munich l’incitait à se montrer particulièrement réticent à accorder sa confiance.
Sven, Splenters et Eidolon l’avaient. Il faudrait que l’orc fasse ses preuves pour y avoir droit également. En attendant, Oggodt le surveillerait du coin de l’œil.
S’extirpant avec difficultés de la limousine du nain peu adaptée à sa taille, il rejoignit son Trollhammer BMW, près duquel Splenters avait eu l’amabilité de le déposer.
Rien ne calmait davantage Oggodt que le bruit du moteur de sa moto bien aimée. Au vrombissement de la mécanique allemande, il se sentit immédiatement beaucoup mieux. Certes, sa vie était en lambeaux, certes il avait failli se faire trouer la peau, mais au moins, il avait sa moto.
Il suivit la limo de Splenters pendant quelques kilomètres. L’autre Johnson venait d’appeler pour leur confier un nouveau job. Paraît-il que c’était super urgent, mais Eidolon avait exigé de passer chez elle d’abord. Il ne savait pas encore exactement ce qui était prévu, mais il avait cru comprendre 150 000 Y. C’était pas mal. Ça ne valait pas une nanoforge, mais c’était pas mal. Mais bon, un tel montant, ça voulait certainement dire pas mal de risques. Et puis : comment allaient-ils aller à leur rendez-vous avec le vieux jap’ classe ?
Il était perdu dans ses réflexions quand il s’aperçut qu’Eidolon, revenue de sa course chez elle, venait de lancer un long truc dans sa direction. Par réflexe, il l’attrapa.
« Tiens, mon grand, ça pourrait te servir », lança-t-elle avec un petit sourire légèrement narquois.
Il contempla l’objet. C’était une épée. Dégainant quelque peu son fourreau étrange, Il contempla les quelques fils de carbone qui formaient son tranchant. Il n’osa pas tester ce dernier. Il connaissait la réputation du monofilament et n’avait guère envie de s’amputer du pouce. Il regarda l’épée, regarda Eidolon, regarda à nouveau l’épée. Longue et légère, elle avait certainement dû coûter bonbon.
Il bredouilla un remerciement à l’attention d’Eidolon. Il n’avait jamais réellement, de sa vie, reçu de cadeau. Il ne savait comment réagir. Le fourreau, qui pouvait se rendre invisible sur commande, était accompagné d’une lanière qui lui permettait d’accrocher l’arme en bandoulière. Conçue pour l’efficacité plutôt que pour l’aspect esthétique, la courbure de l’arme était néanmoins parfaite et élégante et sa poignée conçue pour permettre une préhension idéale. Il aurait eu envie de la tester immédiatement, mais la rue n’était pas le théâtre idéal pour faire des moulinets.
Il remercia à nouveau Eidolon.