Oh when the saints
Carlotta Figuerra n'avait plus vingt ans. Et pourtant, elle était fière de son corps et n'aurait permis à quiconque de le critiquer. Elle recommandait d'ailleurs à toutes ses amies le docteur Krald, un splendide chirurgien d'à peine 45 ans. Il lui avait fait un prix : les seins, les fesses, le visage, tout pour à peine 14 000 Y. Une affaire. Et puis, le choix de ce très suggestif maillot de bain aidait.
Et là, dios, elle l'avait enfin, son retour sur investissement. Le troll en face d'elle, son moniteur, une massive créature musculeuse en maillot de bain, était à elle. Le troll n'était plus tout jeune, il est vrai, et il était couturé de cicatrices — probablement un moins bon chirurgien qu'elle — mais ça ne le rendait que plus sexy à ses yeux. Il ferait l'affaire.
Elle le travaillait au corps — et c'était le cas de le dire — depuis le début de ses vacances en Égypte, et elle trouvait son accent allemand tout à fait charmant.
La veille encore, après leur activité volley-ball et planche à voile sur la plage, elle l'avait retrouvé au bar de l'hôtel et l'avait abreuvé de paroles et de cocktails. Elle avait peut-être exagéré sur ce dernier point, d'ailleurs. Au bout d'un moment, après avoir été plutôt silencieux au début de la soirée, une brèche s'était ouverte et il avait commencé à marmonner des choses sans sens, probablement issues d'un film d'action. Heureusement que ce n'était pas l'intellect que Carlotta recherchait chez ce magnifique spécimen, parce qu'il avait commencé à parler de trucs étranges, d'abord parlant d'une elfe, d'un nain, d'un ork qui était en fait une goule, d'un autre nain qui était en fait un pédé, puis embrayant sur des histoires rocambolesques dont elle n'avait pas capté grand chose parce qu'elle était occupée à se demander comment poser sa main sur la cuisse de son moniteur sans avoir l'air de lui faire du rentre-dedans de façon trop ostensible.
Feignant d'écouter ces inepties au sujet de trucs radioactifs, d'aventures, d'âne aux forges (ou quelque chose approchant), d'une troll nommée Mérédith, de goules, de Merlin, de dragons, elle s'était approchée imperceptiblement de lui jusqu'à être pratiquement lovée sur son corps athlétique. Elle avait passée un bon moment à écouter le battement de son cœur sous cette carapace de muscles, puis le troll, ivre, s'en était allé en titubant rejoindre son lit. Elle avait songé à l'accompagner, mais s'était dit qu'elle avait encore quinze jours pour y parvenir.
En ce moment, Carlotta contemplait Frank alors qu'il tenait une planche de surf et donnait ses instructions aux vacanciers, tout en jetant de temps en temps des coups d’œils pour assurer sa domination face à d'éventuelles rivales.
Ce soir, songea-t-elle, Frank serait à elle.