Outils pour utilisateurs

Outils du site


rp:kelein20130120

Réminiscences

Les gouttes ruisselaient doucement sur les multiples feuilles qui composaient son couvert, formant des rivières de boue et de sang dans la terre spongieuse gorgée par la pluie. Lentement, les hautes herbes réapparaissaient au travers de son corps au fur et à mesure que les senseurs de la combinaison étaient nettoyés de la couche de terre qui les couvrait. Petit à petit, elle disparaissait au profit du paysage derrière elle, à peine détectable par une légère distorsion due à la pluie abondante.
Elle expira doucement, et inspira lentement par le nez, calmant son cœur qui battait la chamade, mais laissant en contrepartie la douleur monter de tout un tas d'endroit de son corps. Une odeur agressive de moisi et d'humidité lui monta aux narines. Et toute cette verdure… ça changeait de Munich, et ramenait des souvenirs.
Elle cessa de respirer, repassant sur la réserve d'air. Là-bas, il restait peut être des traces du gaz, ce n'était pas la peine de prendre de risque.
Le bruit caractéristique des mitrailleuses lourdes résonna une nouvelle fois, suivi d'un grognement. Oggodt peut être, ou End'Ol. Plus probablement le troll, à en juger par la flèche qui l'avait frôlée pendant le combat.
Une nouvelle rafale, plus légère. Des cris en polonais. Ah, le pilote descendait, toussant, crachant, boitant, aidé par le garde au cyberlames. Manifestement, ils avaient du matériel de qualité, pour résister à la rafale comme aux coups qu'elle lui avait assénés. Enfin, il y avait peu de chance qu'il puisse se reproduire un jour, même s'il sortait vivant de cet endroit. Par contre, elle regrettait d'avoir raté son pote aux cyberlames, mais le smartlink du Prédator n'avait pas suffi à compenser le tremblement de ses muscles, tiraillés par l'effort et la douleur.
Ils s'éloignaient, c'était peut-être le bon moment pour retourner sur l'hovercraft. Si elle arrivait à brancher son Commlink sur l'engin, Splenters pourrait surement en prendre le contrôle. Encore fallait-il passer les tourelles automatiques.
Eidolon arracha une poignée d'herbe trempée pour frotter les dernières traces de boue. Du sang coulait de sa cuisse, malgré l'effet constricteur de la combinaison. Elle avait probablement des ecchymoses sur tout le corps suite à la pluie de balle dans la cabine un peu plus tôt. Elle frotta plus vigoureusement le devant de la combinaison, le plus souillé par la boue. Une douleur cinglante lui cisailla l'abdomen.

Le gout du sang inonda sa bouche, suivi rapidement de bile, la mettant à genoux, son corps frêle secoués de tremblement. Elle tomba lourdement au sol, les protections SecureTech absorbant la majeure partie du choc, l'épaisse moquette jouant son rôle également, mais pas suffisamment pour empêcher une vague de douleur d'irradier de son bras droit, lui arrachant un cri de douleur, mettant ainsi un peu plus au supplice sa mâchoire brisée. Elle senti son humérus se briser, et cru entendre le bruit des esquilles d'os pénétrant dans ses chairs, creusant leur voie jusqu'aux nerfs, surchargeant son cerveau d'une vague de douleur rougeoyante, qui submergeait ses pensées. Une simple porte. Elle ne l'avait pas vue s'ouvrir, tournant la tête au mauvais moment. Une simple porte en bois, même pas la lourde porte d'entrée. Et dire que cela faisait deux mois qu'elle était sortie de la cuve. Deux mois sans accidents. Sans la douleur, cette ennemie insidieuse. Elle n'en pouvait plus de la ressentir, s'éveillant parfois la nuit sur son lit capitonnée, une douleur fantôme des anciennes fractures résonnant dans son esprit embrumé. Et là, elle en aurait surement pour plusieurs jours. A flotter dans l'inconscience, à se laisser voler un peu plus de sa vie par la maladie. Elle avait l'impression d'avoir passé plus de temps dans le liquide bio-régénérant qu'à l'extérieur. En tout cas, plus de temps à faire attention au moindre choc plutôt qu'à vivre. Si seulement elle avait mis son casque… Mais elle voulait juste pouvoir respirer sans avoir l'impression que son crâne était pris dans une étuve.
Le tunnel habituel de la perte de conscience se formait devant son regard, alors qu'au loin des cris et des pas précipités résonnaient. Ne pouvait-elle pas s'évanouir plus rapidement ? Le sang s'accumulait dans sa bouche, peut-être parce que l'os de la mâchoire avait transpercé sa gencive, ou bien parce qu'elle s'était coupée la langue, elle s'en fichait. Peut-être qu'elle allait étouffer. Mourir, débarrassée de la douleur. Les médecins promettaient une solution bientôt. Mais quand ? La douleurs semblait provoquer un certain détachement, sur la fin, peut être que son système nerveux était surchargé. Peut-être qu’elle glisserait lentement vers le néant…
Elle sentit qu'on la soulevait du sol, et son bras se retrouva pendant, causant une nouvelle vague de souffrance, ne lui arrachant qu'un gargouilli misérable dans le mélange de sang et de bile qui lui remplissait la bouche. Manifestement, il restait encore un peu de place pour un peu plus de douleur, mais son cerveau décida qu’il était temps de fermer boutique devant tant de messages d’alerte. Étrangement, la dernière pensée qui lui traversa l'esprit allait au sort que subirait celui ou celle qui avait ouvert cette porte.

Serrer les dents, quelques éraflures, ce n'était rien. L'orthoderme avait fait son travail, les blessures restaient superficielles. Une fois nettoyée, la combinaison la rendait de nouveau invisible. A bien entendre les cris et les bruits au loin, Oggodt devait passer un sale moment. Si elle passait la barrière d'un saut, puis roulait sur le côté pour réduire la fenêtre de tir, un arrêt derrière le support de projecteur, et elle pourrait grimper sur le côté droit de l'hovercraft. Elle vérifia que le commlink était disponible, et la combinaison bien propre. Et surtout, elle chassa de son esprit ses souvenirs parasites. Ce n'était pas le moment, la situation était suffisamment compliquée. Elle s'élança, fendant les hautes herbes qui entouraient le complexe, s'arrachant aussi bien à la terre spongieuses qu'aux méandres du passé.
Sauter par-dessus le grillage écrasé pour éviter le bruit du métal piétiné. Éclat de lumière du coin de l'œil, bruit métallique des tourelles en train de balayer la zone et se repositionner. Roulade hors du champ du capteur. Froid du sol, claquement de l'eau quand ses pieds s'arquent pour arrêter son mouvement sur le dos. Coup de bassin, pousser sur les bras, reprendre son équilibre en pivotant pour s'appuyer contre la surface métallique du support. Laisser le faisceau lumineux s'éloigner. Deux nouvelles rafales vers le coin du bâtiment, bruit métallique contre la carlingue de l'hovercraft. Peut-être une flèche, ou un tir de Manhunter, difficile à dire. Grimper sur le coussin d'air, ouvrir la porte.

Splenters ! Comment je branche ce truc dans ce machin ! Vite !”. Elle a presque crié au lieu de subvocaliser.

Dans moins de dix secondes, ces mercenaires polonais allaient sentir leur douleur quand les quatre tourelles automatiques les déchiquetteraient. Une vague de satisfaction submergea Eidolon à cette idée, repoussant sa vieille compagne à l'arrière-plan de ses pensées. Tout ce qu'elle avait à faire, c'était s’asseoir et profiter du spectacle.

rp/kelein20130120.txt · Dernière modification : 2014/08/13 19:59 de Whidou